Jacques Ferrier dit que "pour créer de véritables espaces
publics il faut prévoir de les inscrire dans le temps de la ville ; s’il n’y a pas de temps à consacrer ou à
vivre dans ces lieux, il ne peut rien advenir de public dans ces espaces." Cette
simple constatation a longtemps échappé
selon lui, à ceux qui travaillent sur
des projets de nouveaux quartiers, de villes nouvelles et ont créé –
naïvement ou avec prétention ? – places, forums, agoras qui ne sont pour
la plupart que des espaces vides sur un plan.
Or, inclure la temporalité de la musique à la ville, et se sensibiliser
à cette thématique pour aborder la ville, est peut être une façon d’inclure de manière définitive cette
dimension dans la création d’un espace urbain et par là, donner à un espace
urbain toute sa dimension publique dans son acception sociale. On le constate
dans des quartiers nouveaux comme Ginko à Bordeaux, Borderouge à Toulouse ou Andromède
- un autre exemple toulousain. Ces zones d’aménagement concerté sont des
espaces très étranges à aborder socialement, en effet même si il est assez
simple d’y ressentir quelque chose de très fort, il est néanmoins assez fréquent
que ce sentiment soit de l’ordre de
l’étrangeté, de la gêne, voire de la violence. Une dimension commune liée à
la superficialité, aux installations fraîchement déballés, aux appartements
récemment livrés, uniformise la sensation que peuvent inspirer l’ensemble de
ses quartiers nouveaux. Communs à ces morceaux de ville aussi, leur vide
d’histoire, leur déshérence sur l’île de la mémoire, en complet dénuement face
à l’histoire de la ville est bien trop souvent malheureusement aussi, lié à
leur manque de coutures avec les tissus urbains alentours. Un peu comme si les
urbanistes et les politiques en charge du projet avait fait preuve d’une
amnésie totale. Ce type de quartiers, souffre d’un mal assez symptomatique,
d’une dégénérescence, qui pourrait s’apparenter à la maladie d’Alzheimer. Ces symptômes
sont assez révélateurs d’une perte progressive de ses capacités à fixer la
mémoire. On observe un séquençage de ces
espaces, dans lesquels, quand bien même l’ensemble soit formellement
homogène dans le traitement et soit cohérent avec l’identité (qu’on a cherché a
lui créer de toute pièce), sa cohésion
sociale avec son environnement existant est totalement anarchique, décousue,
mal bouturée. Un peu comme si le langage emprunté par ces quartiers, développait
un discours cohérent mais en digression totale et permanente avec son
environnement proche. On note également,
que ces quartiers ont des temporalités propres.
Ferrier, Jacques, La
possibilité d’une ville, Les cinq sens et l’architecture, éditions Arléa
2013, 130 pages, ISBN 9782363080110. Image extraite du film Playtime de Jacques Tati (1967).