l'OuViPo c'est quoi?

L'Ouvroir de Ville Potentielle c'est quoi?

Musiciens, acousmaticiens, photographes, urbanistes, architectes, mathématiciens, géographes, artistes, poètes, écrivains, journalistes…sont invités à réfléchir sur des thèmes ayant trait à la ville, l’urbanisme, l’aménagement du territoire, l’architecture.

Ces textes doivent servir de terreau pour initier de nouveaux projets, faire de la ville un support d’initiatives créatives, révéler son potentiel esthétique et artistique.

7 janvier 2015

Réflexions sur "La possibilité d'une ville" de Jacques Ferrier, la ville et le temps


Jacques Ferrier dit que "pour créer de véritables espaces publics il faut prévoir de les inscrire dans le temps de la ville ; s’il n’y a pas de temps à consacrer ou à vivre dans ces lieux, il ne peut rien advenir de public dans ces espaces." Cette simple constatation a longtemps échappé selon lui, à ceux qui travaillent sur des projets de nouveaux quartiers, de villes nouvelles et ont créé – naïvement ou avec prétention ? – places, forums, agoras qui ne sont pour la plupart que des espaces vides sur un plan.  Or, inclure la temporalité de la musique à la ville, et se sensibiliser à cette thématique pour aborder la ville, est peut être une façon  d’inclure de manière définitive cette dimension dans la création d’un espace urbain et par là, donner à un espace urbain toute sa dimension publique dans son acception sociale. On le constate dans des quartiers nouveaux comme Ginko à Bordeaux, Borderouge à Toulouse ou Andromède - un autre exemple toulousain. Ces zones d’aménagement concerté sont des espaces très étranges à aborder socialement, en effet même si il est assez simple d’y ressentir quelque chose de très fort, il est néanmoins assez fréquent que ce sentiment soit de l’ordre de l’étrangeté, de la gêne, voire de la violence. Une dimension commune liée à la superficialité, aux installations fraîchement déballés, aux appartements récemment livrés, uniformise la sensation que peuvent inspirer l’ensemble de ses quartiers nouveaux. Communs à ces morceaux de ville aussi, leur vide d’histoire, leur déshérence sur l’île de la mémoire, en complet dénuement face à l’histoire de la ville est bien trop souvent malheureusement aussi, lié à leur manque de coutures avec les tissus urbains alentours. Un peu comme si les urbanistes et les politiques en charge du projet avait fait preuve d’une amnésie totale. Ce type de quartiers, souffre d’un mal assez symptomatique, d’une dégénérescence, qui pourrait s’apparenter à la maladie d’Alzheimer. Ces symptômes sont assez révélateurs d’une perte progressive de ses capacités à fixer la mémoire. On observe un séquençage de ces espaces, dans lesquels, quand bien même l’ensemble soit formellement homogène dans le traitement et soit cohérent avec l’identité (qu’on a cherché a lui créer de toute pièce), sa cohésion sociale avec son environnement existant est totalement anarchique, décousue, mal bouturée. Un peu comme si le langage emprunté par ces quartiers, développait un discours cohérent mais en digression totale et permanente avec son environnement proche. On note également, que ces quartiers ont des temporalités propres.




Ferrier, Jacques, La possibilité d’une ville, Les cinq sens et l’architecture, éditions Arléa 2013, 130 pages,  ISBN 9782363080110. Image extraite du film Playtime de Jacques Tati (1967).

6 janvier 2015



Une très belle réflexion aussi sur le temps, la ville et le cinéma dans ce film de Wim Wenders sorti en  1994 : Lisbon Story.

1 janvier 2015

4m² 33"

4m², 330 euros,  200 euros le m² de surface plancher, cuisine Ikea, abri de jardin, 2 x 2 mètres.
33 secondes le temps qu’il faut à mon chewing-gum pour perdre toute saveur. Quelle est la saveur de la ville ? Une foule d’intrus m’envahit et m’abrite, je n’ai plus les clés qui fermaient mon esprit. La foule s’étend au-delà de moi  et je l’aspire dans la noirceur de mon costume. Le drap fait tout disparaître en dessous. Je n’ai plus de yeux pour voir. Plus que des extensions de membre pour subir et voir venir. Je peux compter les voitures qui défilent. Un individu derrière moi à droite. Je l’entends se déplacer, je peux l’imaginer me regarder ou m’ignorer. S’il ouvre sa fenêtre en rentrant chez lui, c’est probablement ce qu’il sentira. Mes pieds stabilisés dans le bitume, mes hanches incrustées dans la pierre bordelaise. Le noir est centripète, il avale tout. La tête vulnérable ainsi attentive. Le bruit des moteurs se fait plus agressif le bruit du vent dans les feuilles plus rassurant. La ville tout à coup devient autre chose qu’un jeu de reflets et de miroirs : un jeu de pouvoir et de savoir que nous percevons en entrant dans l’espace après avoir soulevé le rideau, après avoir revêtu la robe, après avoir porté le drapeau. Une double lecture s’impose, celle de l’absolu (apparent), celle du relatif (réel).

L’espace est d’autant mieux piégé qu’il fuit la conscience immédiate. D’où peut-être la passivité des « usagers ». Seule une élite discerne les pièges et n’y tombe pas. Le caractère élitique des contestations et des critiques peut se comprendre ainsi. Pendant ce temps le contrôle social de l’espace s’appesantit sur les usagers qui ne refusent pas la familiarité du quotidien. Pourtant cette familiarité se dissocie. L’absolue et le relatif tendent eux aussi  à se séparer. Déviée et/ou fétichisée, sacralisée et profanée, alibi du pouvoir et impuissance, lieu fictif de la jouissance, la familiarité résiste mal à ces contradictions.


Adeline Dugoujon septembre 2014. Le deuxième paragraphe est extrait de Critique de l'Esthétique Urbaine d'Henri-Pierre Jeudy, Editions Sens&tonka, collection socio 10/Vingt, 2003
       Performance Adelita - juillet 2014 Bordeaux